Il y a quelques mois, Maddyness publiait le baromètre français de la LegalTech, étude indépendante qui détaillait le nombre de LegalTechs en France, leurs services, leurs ambitions et les récentes levées de fonds (1). De manière bien plus modeste, nous nous sommes inspirés de leur démarche pour vous offrir le premier tour d'horizon des LegalTechs à Luxembourg.
Un marché tout jeune
Premier constat net et sans appel, si le marché français continue de gagner en maturité, le marché Luxembourgeois est encore plus jeune. La France comptait déjà une vingtaine de LegalTechs en 2016. La première société à proposer des services similaires au Luxembourg est apparue uniquement en 2017.
Il s’agit de la startup belge Online Solutions Attorney qui a ouvert son site en juin 2017 pour les avocats luxembourgeois (2). Comptant 3 avocats à leur lancement pour atteindre le nombre de 9 en décembre 2017, ils ont depuis juin 2018 12 avocats inscrits.
Il a fallu attendre mars 2018 pour avoir la première LegalTech basée à Luxembourg (3). Néanmoins leur plateforme Juridivox n'a vu officiellement le jour que plus d'un an plus tard, en juin 2019. Lancée avec 6 avocats, la plateforme compte aujourd'hui 11 avocats.
C'est également en 2018, en avril, qu'apparaît un troisième acteur. Là encore, leur plateforme Juridig est lancée bien plus tard, en août 2019. De deux avocats au début, la startup compte maintenant 4 inscrits.
Depuis, un nouvel acteur a fait son apparition, pour un total de 4 LegalTechs recensées à Luxembourg aujourd'hui. Legal Finder a été créée mi-mai 2019 et a lancé sa plateforme un mois et demi plus tard, en juillet de la même année. Bien que dernière arrivée, la startup a enregistré une très forte croissance puisque de 4 avocats à son lancement, elle compte aujourd'hui 38 inscrits, soit un peu plus de 1% du nombre total d'avocats inscrits à Luxembourg (4) et plus que toutes les autres LegalTechs réunies.
Bien sûr, le faible nombre de LegalTechs Luxembourgeoises est à mettre en relation avec la taille du pays, en comparaison avec la France ou la Belgique par exemple. Il est cependant évident que le marché vient à peine d'éclore et que d'autres verront bientôt le jour.
Des services limités
Second constat, la gamme de service proposée par les LegalTechs actives à Luxembourg est très limitée. Cela n'a rien de surprenant vu leur faible nombre.
Ainsi, si le baromètre publié par Maddyness classe les LegalTechs françaises dans 12 catégories différentes, de la digitalisation des processus métiers à la mise en relation, en passant par le data mining, les LegalTechs Luxembourgeoises se rangent toutes dans la catégorie "Mise en relation". Chacune présente un service de mise en relation plus ou moins poussé, mais le service reste similaire.
Conséquences de ce catalogue limité, les acteurs locaux se tournent soit vers des solutions développées en interne, à l'image du cabinet Allen & Overy et son outil FundsFlow DocMaker (5), soit vers des solutions externes, comme par exemple Arendt & Medernach qui a signé avec la LegalTech française Predictice (6), récemment imité par le cabinet BSP (7). Ces initiatives séparées montrent le réel intérêt des cabinets d'avocats pour les services des LegalTechs. Le marché est donc demandeur, encore faut-il qu'il y ait des offres. Le marché a certes besoin de maturité, mais face aux catalogues d'offres croissants dans les pays frontaliers, le Luxembourg risque de se voir doubler par les acteurs étrangers si ses entreprises locales n'apportent pas rapidement des solutions.
Cela devrait être le cas très prochainement puisque Juridig par exemple a annoncé vouloir développer un système de calendrier rattaché aux audiences des tribunaux. Legal Finder de son côté entend développer son offre sur plusieurs niveaux, à la fois dans la digitalisation des métier avec une gestion de dossiers couplée à un système de facturation, mais aussi au niveau de l'aide à la création d'entreprise ou l'aide aux démarches juridiques.
Une vocation ou une ambition transfrontalière ?
Les trois quarts des LegalTechs françaises n'opèrent qu'en France. C'est la même chose à Luxembourg puisque les trois LegalTechs basées au Grand-Duché n'offrent leurs services qu'au Luxembourg. La quatrième étant une filiale d'une startup belge, elle est la seule à opérer en dehors des frontières Luxembourgeoises.
Cependant, la situation pourrait changer rapidement. En effet de nombreux dossiers traités à Luxembourg ont une dimension transfrontalière et pourraient bénéficier d'une expertise multinationale. Dans le même temps, le marché luxembourgeois étant de taille plus modeste que celui de nos voisins, les espoirs de survie des LegalTechs locales pourraient se trouver dans un développement à l'étranger. Il semble donc que les LegalTechs grand-ducales aient vocation à s'exporter.
Cette vocation est même une ambition pour certaines d'entre elles. Ainsi, lors des soirées Startup Stories organisées par Paperjam, Juridivox pitchait sa volonté de transformer sa plateforme en une véritable communauté d'avocats européens, qui pourraient trouver et contacter rapidement un confrère à l'étranger. Legal Finder expliquait lors du Global Ventures Summit à Esch-Belval son désir d'ouvrir sa plateforme aux pays frontaliers et d'offrir ses services aux cabinets de la Grande Région.
Un potentiel en attente de financement
52 millions d'euros. C'est le montant levé par les LegalTechs françaises en 2019. On est bien loin derrière au Grand-Duché puisque on ne dénombre... aucune levée. Rien d'étonnant à cela puisque le marché est encore trop récent, et qu'avant d'être financées, nos LegalTechs vont devoir faire leurs preuves. Mais les financements pourraient vite arriver.
En effet, le marché luxembourgeois a un double attrait. D'une part, il est si récent que de larges parts de marché sont à saisir, pour qui aura les ressources. Un investissement précoce qui permettrait le développement d'une des startups existantes pourrait donc rapporter gros. D'autre part, le "retard" apparent du marché luxembourgeois pourrait s'avérer être une chance. Un acteur local bien implanté serait en effet une opportunité de choix pour un acteur européen plus important qui pourrait acquérir une partie du marché luxembourgeois en rachetant simplement l'entreprise en question. Autant d'opportunités d'un investissement rentable.
Il sera donc intéressant de voir le développement du marché luxembourgeois en 2020. Ce marché qui, à ce jour, est encore à conquérir.
Malgré tous les soins apportés à la rédaction de cet article, le secteur est encore très peu documenté et certaines informations pourraient nous avoir échappées ou nous être inconnues. Si tel était le cas, nous remercions les personnes qui accepteront de nous contacter pour nous en faire part.
(1) Maddyness - https://www.maddyness.com/2020/01/22/panorama-legaltech-2019/ (2) Wayback Machine - https://archive.org/web/ (3) Registre de Commerce et des Sociétés - https://www.lbr.lu/ (4) Barreau de Luxembourg - https://barreau.lu (5) Silicon - https://www.siliconluxembourg.lu/ao-launches-fundsflow-docmaker/ (6) Paperjam - https://paperjam.lu/article/arendt-s-allie-avec-predictice (7) Paperjam - https://paperjam.lu/article/bsp-a-heure-intelligence-artif
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